Q. En tant qu’anciens coprésidents du Partenariat pour les aires protégées en Asie (APAP), quelles sont vos réflexions concernant les aires protégées dans la région ?
Ce qui rend l’Asie unique, c’est que la région possède une biodiversité très riche, combinée à plus de la moitié de la population mondiale et à une croissance économique très rapide. Cette combinaison a généré de nombreux défis pour les aires protégées de la région, et le besoin d’expertise technique et de connaissances pour relever ces défis n’a jamais été aussi grand. Dans ce contexte, il existe également un consensus croissant sur la nécessité de renforcer la coopération régionale et le partage d’informations entre les organismes gouvernementaux responsables de la gestion des aires protégées en Asie. Pour cela, le Partenariat pour les aires protégées en Asie (APAP, selon ses sigles en anglais) a été lancé en 2013. La République de Corée a été l’un des membres fondateurs de l’APAP et a occupé la deuxième coprésidence du Partenariat, de 2017 à 2020. Aujourd’hui, l’APAP compte 21 membres de 17 pays différents, ainsi que deux membres associés.
Le MoEK et le KNPS sont heureux d’être membres de l’APAP et ont beaucoup travaillé à faire du partenariat un succès. Entre autres mesures, le MoEK et le KNPS ont soutenu l’APAP économiquement, ainsi que par des détachements de personnel. Nous sommes particulièrement fiers de notre soutien aux ateliers techniques et webinaires de l’APAP, visant à renforcer les capacités des gestionnaires d’aires protégées (AP) dans la région. Les ateliers techniques ont couvert un large éventail de questions liées à la gestion des aires protégées, y compris les conflits homme-faune, l’efficacité de la gestion, la Norme de la Liste verte de l’UICN, le tourisme durable et les autres mesures de conservation efficaces par zone (AMCEZ). Nous avons également soutenu une masterclass sur la prévention et l’atténuation des conflits homme-éléphants, une question qui constitue un défi de gestion de plus en plus sérieux dans de nombreux États de l’aire de répartition des éléphants. L’APAP a également contribué à la traduction des lignes directrices de l’UICN sur les meilleures pratiques dans un certain nombre de langues asiatiques, afin de les rendre plus largement accessibles à un large public.
Bien que le mandat de la Corée en tant que coprésidente de l’APAP soit maintenant terminé, le MoEK et le KNPS continueront à soutenir le développement du Partenariat et la gestion efficace des aires protégées d’Asie. La Corée travaille également en étroite collaboration avec l’APAP pour promouvoir le 2ème Congrès des parcs d’Asie, qui se tiendra à Sabah, en Malaisie, du 24 au 29 mai 2022.
Q. Avec l’expérience de vos trois années de coprésidence de l’APAP, à quels défis diriez-vous que l’Asie est confrontée en matière d’aires protégées ?
Bien que l’APAP mène des programmes de formation depuis de nombreuses années maintenant, de nombreux défis nouveaux et sérieux pour les aires protégées continuent de se poser. Il sera difficile de répondre pleinement à ces défis dans le cadre actuel des activités de l’APAP. Nous espérons que l’APAP définira des objectifs à long terme, augmentera la diversité, la durée et la fréquence de ses programmes de formation, et renforcera le degré de participation de ses membres.
L’APAP a également un rôle important à jouer pour aider les pays de la région à adopter les normes mondiales, telles que la Liste verte des aires protégées et de conservation de l’UICN. La République de Corée soutient actuellement un programme mondial sur la Norme de la Liste verte de l’UICN dans le cadre de son partenariat-cadre avec l’UICN, axé sur l’Asie et l’APAP. Les pays ont manifesté un grand intérêt et une participation importante, et nous espérons qu’un grand nombre d’aires protégées en Asie figureront sur la Liste verte de l’UICN d’ici la fin du programme.
Q. Pourquoi les aires protégées sont-elles importantes pour la République de Corée en particulier ?
La République de Corée compte quelque 30 types d’aires protégées. Les parcs nationaux sont censés représenter les principaux écosystèmes du pays, tout en offrant des possibilités de loisirs. Depuis la création du réseau de parcs nationaux en 1967, 22 parcs nationaux ont été désignés, pour une superficie de 6 726 km2. Le réseau de parcs nationaux abrite 43% des espèces de la République de Corée, dont 65% des espèces menacées du pays. Le réseau de parcs nationaux joue donc un rôle central dans la conservation d’exemples représentatifs des écosystèmes de la République de Corée et la sauvegarde de la diversité des espèces du pays.
En plus de servir de refuge pour les animaux et les plantes, les parcs nationaux sont un lieu de repos pour les personnes. Les parcs nationaux de la République de Corée sont extrêmement populaires et reçoivent plus de 40 millions de visiteurs chaque année.
En pleine pandémie de COVID-19, les parcs nationaux de la République de Corée sont restés ouverts aux visiteurs, bien qu’avec une application stricte des protocoles de santé. La nature a un effet thérapeutique sur les personnes. À l’heure où nous nous efforçons de nous remettre des impacts de la COVID-19, les parcs nationaux continueront d’offrir un réconfort et de fonctionner comme un lieu de guérison pour les personnes, une valeur liée à notre qualité de vie qui ne peut se traduire en termes monétaires.
Q. En quoi les parcs nationaux sont-ils pertinents pour les personnes et l’économie ?
Les parcs nationaux contribuent non seulement à la conservation des écosystèmes naturels, mais également au développement des communautés locales, voire de la nation, dans une perspective économique plus large. Selon les résultats d’une étude menée par le KNPS de 2009 à 2011 sur les impacts économiques estimés des parcs nationaux coréens, l’effet d’entraînement des parcs nationaux sur l’économie locale s’élevait à 1,46 milliard de dollars en termes de production, 258 millions de dollars en termes de revenus et 705 millions de dollars en termes de valeur ajoutée. En outre, les parcs nationaux ont permis l’emploi de quelque 28 333 personnes.
Entre 2010 et 2020, le KNPS a mis en œuvre un programme ambitieux visant à soutenir les résidents des parcs nationaux en rénovant les villages et en améliorant les sources de revenus des communautés locales. Grâce à ces efforts, le nombre de visiteurs dans les villages est passé de 169 512 à 3 003 795, et les revenus des communautés locales sont passés de 0,78 million à 35,3 millions de dollars. Les villages actuellement situés en dehors des parcs nationaux, suite à des ajustements des limites des parcs dans le passé, demandent aujourd’hui leur réintégration, reconnaissant que les parcs nationaux peuvent aider à soutenir les activités économiques des populations locales.
Q. Quelles sont les priorités de la République de Corée en ce qui concerne les parcs nationaux ?
Le rôle des aires protégées est plus important que jamais, à mesure que le rythme des changements environnementaux augmente. Les parcs nationaux contribuent à réduire les risques de catastrophes naturelles, à fournir de l’air et de l’eau propres, à améliorer la sécurité alimentaire, à atténuer les changements climatiques et à fournir des emplois, un logement et des moyens de subsistance, entre autres avantages.
Pour souligner la valeur et l’importance des parcs nationaux, le 3 mars a été officiellement désigné par le gouvernement comme « Journée des parcs nationaux » en République de Corée. Cette année, la Journée des parcs nationaux a été commémorée pour la première fois et de nombreuses cérémonies, célébrations et activités ont été organisées dans tout le pays.
Le rôle que les aires protégées peuvent jouer en tant que puits de carbone est également de plus en plus reconnu. L’une des principales priorités des parcs nationaux de Corée est d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Pour cela, le KNPS prévoit de créer des villages neutres en carbone en travaillant avec les communautés locales situées à proximité des parcs nationaux, à partir de 2021. Les villages neutres en carbone visent à régénérer les communautés en réduisant les émissions, en renforçant le stockage du carbone et en soutenant l’indépendance financière. Les villages neutres en carbone permettront de :
- générer de l’énergie écologique grâce à un remodelage vert ;
- accroître la capacité de stockage du carbone en gérant les forêts des villages et le carbone bleu ; et
- augmenter les revenus des communautés locales en rénovant les structures d’hébergement et en soutenant la vente de produits locaux.
L’objectif est de convertir tous les villages des parcs nationaux de la République de Corée en villages neutres en carbone d’ici 2025. Une fois la pandémie de COVID-19 terminée, nous espérons que vous visiterez l’un de ces villages neutres en carbone, dans un parc national coréen.
Q. Le Congrès mondial de la nature de l’UICN abordera le thème des aires protégées et se concentrera également sur le cadre pour la biodiversité pour l’après 2020. Quels résultats aimeriez-vous voir émerger du Congrès en ce qui concerne les aires protégées ?
L’année 2021 sera cruciale car le monde adoptera un nouvel ensemble d’engagements internationaux dans le cadre du cadre mondial pour la biodiversité pour l’après 2020. Nous espérons que le Congrès de l’UICN, en tant qu’organe décisionnel suprême de l’UICN réunissant les gouvernements, les entreprises, les universités et la société civile, délivrera un message fort sur l’importance de renforcer et d’étendre les aires protégées et de conservation.
Le monde a besoin d’objectifs ambitieux et pratiques, qui remettront notre planète sur la voie de la durabilité. Nous espérons que ce besoin sera reflété dans les résultats du Congrès et que ceux-ci, à leur tour, alimenteront les autres grandes réunions internationales sur l’environnement prévues cette année, y compris la CDP15 de la CDB et la CDP26 de la CCNUCC.
Plus que jamais, la région asiatique devra renforcer sa voix et prendre les devants dans l’élaboration d’objectifs mondiaux qui auront un impact sur ses trésors naturels. Nous espérons que l’APAP continuera de fournir une plateforme aidant les pays à travailler ensemble à la réalisation de cet objectif.
Pour en savoir plus sur l’APAP, visiter le site web du Partenariat à l’adresse suivante :
https://www.asiaprotectedareaspartnership.org/
A propos de l'auteur
Mme Hye-In SEO
Directrice adjointe, Bureau des politiques relatives à l’environnement naturel, Ministère de l’Environnement
M. Byung-Kwan HYUN
Directeur, Département des partenariats, Service des parcs nationaux de Corée