Entretien avec Dr Chris Brooks, Programme « Eaux résilientes » (Resilient Waters), USAID

Q : Le programme « Eaux résilientes » (PER) de USAID vise à renforcer la résilience et la sécurité des communautés et des écosystèmes d’Afrique australe. Quels sont les plus grands défis auxquels les populations font face, dans cette région, et comment le programme les aide-t-il à les surmonter ?

L’un des défis majeurs est la résilience. Nous ne nous intéressons pas seulement à la résilience au changement climatique, mais à la résilience au sens large, de sorte que nous nous efforçons de renforcer les capacités au sein des institutions à de multiples niveaux.
Le changement climatique et ses incidences sur la sécurité en eau sont une préoccupation majeure. L’assainissement, la croissance démographique, les conflits entre l’Homme et la faune sauvage et l’utilisation de l’eau pour l’agriculture et les moyens de subsistance sont des défis majeurs.

Le programme comporte quatre volets principaux. Le premier est axée sur le renforcement des capacités institutionnelles. Nous avons ensuite une grande composante axée sur l’approvisionnement en eau et l’assainissement. Enfin, nous avons un volet sur les moyens de subsistance et l’adaptation au changement climatique, et un volet sur la biodiversité. Nous essayons d’intégrer ces quatre composantes dans les domaines d’intervention dans lesquels nous travaillons.

En nous concentrant sur les bassins de l’Okavango et du Limpopo, nous travaillons avec une variété d’institutions techniques qui fournissent à la fois des informations climatiques et hydrologiques pour concevoir des outils d’aide à la décision pour aider à guider les organisations de bassins fluviaux. Nous observons un paysage plus chaud et plus sec avec des taux d’évaporation plus élevés et des précipitations plus variables et intenses. Avec l’augmentation du nombre de crues, nous essayons de travailler au niveau du paysage en utilisant une approche de solutions fondées sur la nature.

Q : L’Afrique australe est l’une des régions les plus diversifiées du monde sur le plan biologique, et le Delta de l’Okavango et le fleuve Limpopo sont deux des biens du capital naturel les plus importants. Comment le programme fonctionne-t-il pour protéger la biodiversité de ces écosystèmes tout en assurant le bien-être économique et les possibilités de développement ?

Nous examinons les impacts négatifs sur les services écosystémiques là où nous identifions des problèmes de pollution et de surexploitation. Nous travaillons sur les habitats fragiles, les zones humides, la pêche et les moyens de subsistance afin d’impliquer les communautés pour améliorer la cogestion du poisson dans les sites transfrontaliers.

Notre objectif est de veiller à ce que nous disposions d’un bon débit environnemental et d’une quantité d’eau suffisante dans ces deux bassins hydrographiques pour qu’elle soit durable et que toutes les parties prenantes bénéficient d’un accès équitable aux ressources en eau dont elles ont besoin, même en période de forte demande. Il ne s’agit pas seulement du contrôle de l’eau et de la gestion de son utilisation, mais aussi de la gestion et de la gérance des terres. L’agriculture utilise environ 80% de la majeure partie de l’approvisionnement en eau en Afrique australe. Nous cherchons à travailler avec les agriculteurs qui pratiquent l’irrigation commerciale à grande échelle pour améliorer la gestion de l’eau. Cela présente un avantage direct pour eux, en améliorant leur résilience au changement climatique, ainsi que la qualité de l’approvisionnement en eau en aval.

Notre capacité en tant que petit programme est de travailler avec des ONG sur le terrain, qui comprennent l’économie politique de ces paysages. Notre programme de grandes subventions soutient des ONG qui travaillent sur les questions des communautés de pêcheurs, de gestion durable des terres, d’agriculture de conservation pour les agriculteurs, ou avec de grandes institutions comme WWF Afrique du Sud pour améliorer la gestion de l’eau à une plus grande échelle commerciale. Il serait impossible de mettre tout cela en œuvre par nous-mêmes, mais c’est en travaillant avec des partenaires et des programmes financés par des donateurs que nous réussirons.

Q : Le PER utilise-t-il les évaluations d’espèces de la Liste rouge de l’UICN dans ses travaux sur la santé des écosystèmes d’eau douce ?

Oui, nous avons utilisé ces évaluations. On connaît peu, voire pas du tout, l’étendue de diverses espèces et leur répartition dans bon nombre des régions où nous travaillons. Dans la mesure du possible, nous utilisons des données validées provenant de chercheurs sur le terrain et, dans le cas contraire, nous utilisons les évaluations d’espèces de la Liste rouge de l’UICN. Je les ai assez utilisés en termes de cartographie et de compréhension, en particulier en Angola où nous avons élaboré les premiers plans de gestion pour établir environ 60 000 kilomètres carrés de parc national.

Q : Dans des endroits comme le Delta de l’Okavango, lorsque l’on analyse la coopération transfrontière dans le domaine de l’eau, depuis les sites en amont, en Angola, jusqu’aux communautés situées en aval, en Namibie et au Botswana, comment abordez-vous la gestion en amont et en aval?

Je pense que l’Angola est très conscient de la sensibilité du Delta de l’Okavango et du Site du patrimoine mondial, et ne veut pas apparaître comme le pays affaiblissant ou détruisant ce site. Il collabore donc avec la Namibie et le Botswana. Dans le même temps, l’Angola doit se développer, et nous essayons donc de lui fournir des informations pour qu’il le fasse de manière plus durable. Par exemple, nous pouvons soutenir ses projets éventuels d’agriculture commerciale irriguée à grande échelle en lui fournissant des approches alternatives, ou des approches de gestion de l’eau améliorées, plus durables et tenant compte du changement climatique.

Q : Y a-t-il autre chose que vous voudriez ajouter ?

Si vous regardez une carte de l’Afrique australe, une grande partie de l’eau est partagée. Lorsque nous cherchons à améliorer la sécurité en eau, nous devons commencer à travailler sur des thèmes de collaboration transfrontalière et amener les gouvernements à mieux travailler ensemble pour partager leurs ressources. L’eau est l’essence de la vie et une ressource fondamentale sans laquelle aucun de nous ne peut vivre. Travailler au niveau transfrontalier est essentiel pour la biodiversité, qui se déplace à travers les paysages, ainsi que pour l’eau, qui coule à travers ces paysages.


A propos de l'auteur:

Dr Chris Brooks, Programme « Eaux résilientes » (Resilient Waters), USAID

 

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