106 - Faire de la conservation du jaguar (<em>Panthera onca</em>) une priorité à l’échelle du continent
106 - Faire de la conservation du jaguar (Panthera onca) une priorité à l’échelle du continent
RECONNAISSANT que le jaguar (Panthera onca), le plus grand félin des Amériques, est une espèce emblématique du continent américain, chargée d’une signification symbolique profonde, au cœur de la vision du monde, de la culture et des pratiques de nombreuses populations autochtones, qu’il joue un rôle fondamental dans la préservation des écosystèmes tropicaux de par sa situation au sommet de la chaîne alimentaire, et qu’il est un élément clé des activités d’écotourisme permettant d’améliorer la situation économique des communautés locales ;
CONSTATANT que sa distribution géographique a diminué de 55% au cours des 70 dernières années en raison de la perte d’habitat et de la dégradation des écosystèmes, et que 38,4% de l’aire de répartition géographique de l’espèce se trouve à l’intérieur d’aires protégées ;
OBSERVANT PAR AILLEURS que pendant des siècles, le jaguar a fait l’objet d’une persécution incessante, chassé de manière non durable pour sa peau à des fins commerciales ou exterminé en raison de l’avancée de la colonisation des forêts et savanes ;
PRÉOCCUPÉ par la demande croissante en parties du jaguar (peaux, dents et os) aux niveaux local et international ;
SACHANT que les populations de jaguars dans les pays qui constituent l’aire de répartition historique de l’espèce ont décliné, qu’au moins deux d’entre elles ont disparu et que, selon les dernières estimations, le nombre total d’individus restants serait compris entre 64 000 (De la Torre et al. 2018) et 173 000 (Jędrzejewski et al. 2018) ;
CONSCIENT que la conservation de l’espèce doit se fonder sur des ambitions au niveau local faisant appel à toutes les parties prenantes, avec la participation active des communautés locales et des populations autochtones et afro-américaines des Amériques, lesquelles jouent un rôle crucial dans la conservation de l’espèce ;
RECONNAISSANT les efforts déployés par différents groupes, États et organisations pour conserver le jaguar dans son aire de répartition, ainsi que l’importance de partager les données d’expérience relatives à la conservation d’autres félins dans d’autres régions ;
RECONNAISSANT ÉGALEMENT qu’en mars 2018, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a organisé une manifestation de haut niveau en présence des États de l’aire de répartition du jaguar qui a abouti : 1) à la Déclaration de New York – Jaguar 2030 ; 2) à la création d’un comité de coordination de l’Initiative Jaguar 2030 ; et 3) au document intitulé « Jaguar 2030 : feuille de route pour la conservation du jaguar au sein des Amériques » ; et
SOULIGNANT que lors de la 13e Conférence des Parties à la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (CMS), qui s’est tenue en Inde en février 2020, une proposition visant à inscrire le jaguar aux annexes I et II de la CMS a été présentée et adoptée par consensus ;
1. DEMANDE au Directeur général de :
a. réunir les pays de l’aire de répartition du jaguar, des États-Unis d’Amérique à l’Argentine, pour leur demander de s’engager en faveur de la conservation du jaguar en tant qu’espèce phare emblématique des Amériques, et notamment de :
i. reconnaître sa valeur écologique en tant qu’indicateur de la bonne santé des écosystèmes ;
ii. faire de sa protection, des incitations à sa conservation et des mesures de dissuasion une priorité face à la disparition progressive de son habitat ;
iii. s’efforcer de réduire au minimum les conflits entre l’homme et le jaguar, en favorisant la participation des communautés locales et des populations autochtones et afro-américaines, et celle de toutes les parties prenantes concernées ;
iv. mettre en œuvre des mesures strictes pour lutter contre le braconnage, l’exploitation des jaguars en tant qu’animaux de compagnie et leur utilisation dans des cirques ou des spectacles, et appliquer toutes les mesures de planification stratégique, y compris des activités de renseignement tout au long de la filière commerciale, et de renforcement du cadre juridique, ainsi que toutes les politiques régionales et nationales nécessaires pour combattre les réseaux de trafiquants qui commercialisent des spécimens et des parties du jaguar ;
v. gérer avec efficacité les pressions exercées par la chasse sur les proies naturelles du jaguar ;
vi. veiller à ce que la planification ouverte à tous, participative et assortie d’un budget pour la mise en œuvre et le suivi des unités de gestion au sein de l’aire de répartition du jaguar tienne compte de la nécessité de mettre en place des corridors connectés pour les populations de l’espèce et leurs proies naturelles, et fasse en sorte que ces corridors soient intégrés dans les plans d’aménagement du territoire et prévoie des mesures d’incitation et des sanctions différenciées ;
vii. renforcer l’intégration des aires naturelles protégées et des zones tampons, ainsi que des espaces naturels privés et des corridors biologiques, dans les plans d’aménagement du territoire abritant le jaguar, y compris les territoires transfrontaliers ;
viii. mener des recherches sur la relation entre la conservation du jaguar en tant que prédateur, la santé des écosystèmes et la prévention des zoonoses ;
ix. collaborer avec l’Organisation des États américains (OEA) pour élaborer une stratégie en synergie avec la Convention sur la protection de la nature et la préservation de la vie sauvage dans l’hémisphère occidental, un instrument juridique qui soutient la protection des jaguars et de leur habitat dans les Amériques ;
x. tenir compte des questions relatives à la conservation et à l’utilisation durable de la biodiversité dans les secteurs de la production et des services (agriculture, élevage, tourisme et infrastructures), en mettant particulièrement l’accent sur les projets à fort impact dans les régions d’une importance cruciale pour la conservation des jaguars, de leur habitat et de leurs proies ;
xi. exhorter les pays à élaborer et mettre à exécution des plans de conservation de l’espèce au niveau national et à allouer les ressources techniques et financières nécessaires à leur mise en œuvre ; et
xii. de promouvoir le développement de mécanismes financiers qui encouragent les investissements d’impact environnemental sur l’ensemble l’aire de répartition du jaguar et la viabilité financière à long terme.
2. DEMANDE aux Membres de mettre en valeur et d’enrichir les pratiques culturelles associées au jaguar compatibles avec la conservation de l’espèce, afin qu’elles soient considérées comme un patrimoine culturel immatériel des États Membres et, par la suite, de l’humanité.
3. DEMANDE à la Commission de la sauvegarde des espèces de mettre à jour l’état de conservation du jaguar en ce qui concerne la catégorie de menace dont il relève et évalue s’il conviendrait de l’inscrire dans la catégorie Vulnérable compte tenu de la dégradation et de la destruction extrêmement rapides de son habitat.
4. PRIE INSTAMMENT les organisations internationales comme l’OEA, les programmes des Nations Unies, en particulier l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), la Banque interaméricaine de développement (BID) et le Consortium international de lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages (ICCWC), qui réunit la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), INTERPOL, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), la Banque mondiale et l’Organisation mondiale des douanes (OMD), de :
a. lutter contre les menaces qui pèsent sur l’espèce et d’élaborer et/ou promouvoir des programmes conjoints prévoyant des mesures de conservation ; et
b. intégrer les stratégies de protection du jaguar dans les initiatives de développement.
5. DEMANDE aux directeurs régionaux du Bureau régional de l’UICN pour l’Amérique du Sud et du Bureau régional pour le Mexique, l’Amérique centrale et les Caraïbes, au Secrétariat de l’UICN, au Comité national des États-Unis d’Amérique, ainsi qu’aux Membres et aux Commissions, et INVITE le Secrétariat de la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (CMS) à organiser une manifestation qui réunira les États de l’aire de répartition et des spécialistes du jaguar, ainsi que les communautés et peuples autochtones, afin de promouvoir la reconnaissance et l’adoption du document intitulé « Jaguar 2030 : feuille de route pour la conservation du jaguar au sein des Amériques ».