040 - Élaborer et appliquer un cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020 transformateur et efficace
040 - Élaborer et appliquer un cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020 transformateur et efficace
CONSCIENT que les écosystèmes et la biodiversité de la planète nous apportent des aliments, de l’eau propre, l’air que nous respirons, des emplois, des moyens d’existence, le bien-être et le bonheur de tous, et nous aident à prévenir les catastrophes naturelles et à les affronter ;
ÉGALEMENT CONSCIENT que partout dans le monde, le rythme de déclin de la nature est sans précédent dans l’histoire de l’homme, que le taux d’extinction des espèces s’accélère et que la santé des écosystèmes se détériore plus vite que jamais ;
SOULIGNANT que le déclin actuel, rapide et spectaculaire, de la nature et des contributions de la nature à l’homme, représente une menace pour la santé et le bien‑être, le développement, l’économie et l’existence même et que nous sommes confrontés à une urgence planétaire ;
SOULIGNANT AUSSI que le déclin de la nature, le changement climatique, la désertification et la dégradation des sols ainsi que le développement non durable ne sont que les différents aspects du même problème qui doivent être résolus de manière intégrée et cohérente avec tous les instruments juridiques, politiques et financiers dont nous disposons ;
GRAVEMENT PRÉOCCUPÉ de constater que le déclin de la nature touche le plus durement les plus pauvres, ce qui provoque une insécurité alimentaire et hydrique et des conflits, coûte des milliards chaque année à l'économie mondiale, et contribue au changement climatique ;
CONSCIENT que le Rapport d’évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques de la Plateforme intergouvernementale, scientifique et politique, sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) a conclu que les objectifs de conservation et d’utilisation durable de la nature et de réalisation du développement durable ne sauraient être remplis si l’on continue de suivre les trajectoires actuelles et que les objectifs pour 2030 et au‑delà ne seront réalisés que par des changements transformateurs des facteurs économiques, sociaux, politiques et technologiques ;
PRÉOCCUPÉ de constater que la Commission des ressources génétiques pour l’alimentation et l’agriculture de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a conclu que la biodiversité nécessaire à l’alimentation et à l’agriculture est en déclin, et que les cadres favorables à l’utilisation durable, à la conservation et à la restauration de la biodiversité pour l’alimentation et l’agriculture restent insuffisants ;
NOTANT AVEC PRÉOCCUPATION que le changement climatique a déjà des effets sur la nature, l’homme et les moyens d’existence et que ces effets devraient s’aggraver dans les décennies à venir ;
RECONNAISSANT qu’il est vital d’accélérer la conservation de la nature si l’on veut résoudre l’urgence climatique ;
NOTANT l’appel des Membres de l’UICN à un monde équitable, positif pour la nature et zéro net, afin de garantir une présence accrue de la nature en 2030 par rapport à 2020 à l'échelle mondiale, en mettant un terme et en inversant la perte de nature, afin de mettre la nature sur le chemin du rétablissement dans l’intérêt de tous les peuples et de la planète d'ici 2030, ainsi que pour lutter contre le changement climatique, atteindre les Objectifs de développement durable et permettre aux peuples et aux communautés de prospérer dans un avenir sain et stable ;
NOTANT ÉGALEMENT que les dirigeants politiques participant au Sommet des Nations Unies sur la biodiversité en septembre 2020, représentant 88 pays de toutes les régions, ainsi que l'Union européenne, se sont engagés à inverser la perte de biodiversité d'ici 2030 et ont approuvé l'Engagement des dirigeants pour la nature ;
CONSCIENT que de nombreux jeunes, chefs religieux et traditionnels, scientifiques, peuples autochtones, chefs d’entreprise, organisations de la société civile et le public appellent de leurs vœux une action audacieuse et ambitieuse pour résoudre les crises climatique et écologique ;
AYANT CONNAISSANCE du processus exhaustif et participatif de préparation du cadre mondial de la biodiversité pour l’après‑2020, conformément à la Décision 14/34 de la Conférence des Parties (CdP) à la Convention sur la diversité biologique (CDB), qui sera conclu à la seconde partie de la 15e COP à Kunming, Chine, en 2022 ;
SALUANT la création et les activités en cours du Groupe de travail à composition non limitée de la CDB sur le cadre mondial de la biodiversité pour l’après‑2020, tout en reconnaissant que ce travail est en cours et que cette Résolution ne préjuge pas de l'issue finale ;
LOUANT les multiples autres appels à l’action approuvés par différents groupes de pays lancés depuis 2019, notamment les Champions de la nature : Appel à l'action à l’occasion du Sommet des champions de la nature, le Pacte du G7 pour la nature à la réunion des chefs d’État du G7, le rapport des co-Présidents lors de la 9e Conférence sur la biodiversité de Trondheim, et le communiqué des ministres de l'Environnement du G20 ;
RAPPELANT la Résolution 6.096 Garder de la place pour la nature et assurer notre avenir : élaboration d’une stratégie pour l’après‑2020 (Hawai‘i, 2016), qui appelait le Directeur général et tous les éléments de l’UICN à promouvoir et à soutenir l’élaboration de la stratégie pour l’après‑2020 ;
SE FÉLICITANT des contributions de l’équipe spéciale du Conseil pour l’après‑2020 et des Commissions à la position évolutive de l’UICN sur le cadre mondial de la biodiversité pour l’après‑2020 ; et
NOTANT les appels croissants pour reconnaître le droit à un environnement sûr, propre, sain et durable dans le Conseil des droits humains des NU et afin de refléter cela dans le cadre mondial de la biodiversité ;
1. APPELLE le Directeur général et toute l’UICN à continuer de contribuer à l’élaboration du cadre mondial de la biodiversité pour l’après‑2020, en encourageant activement les recommandations incluses dans cette Résolution, et à soutenir fermement le cadre mondial de la biodiversité une fois adopté par la mise en œuvre du Programme de l’UICN 2021-2024 Nature 2030 et son Addendum.
2. APPELLE les Membres de l'UICN et INVITE les Parties à la CDB, les autres gouvernements, les organisations intergouvernementales, toutes les parties prenantes et les peuples autochtones et communautés locales (PACL) à œuvrer, s’il y a lieu, avec leurs homologues au niveau national et autres engagés auprès de la CDB, pour les encourager à réunir leurs forces pour élaborer, adopter et appliquer un cadre mondial de la biodiversité pour l’après‑2020 qui :
a. soit le reflet des changements transformateurs urgents et nécessaires pour promouvoir une transition sociétale en vue de lutter contre les facteurs directs et indirects de l’érosion de la biodiversité et de sauvegarder les systèmes d’appui à la vie de la planète ;
b. applique intégralement les trois objectifs de la Convention, y compris la conservation de la diversité biologique, l'utilisation durable des éléments de la diversité biologique, et l’accès et le partage juste et équitable des avantages découlant de l'utilisation des ressources génétiques d'une façon équilibrée ;
c. contienne une Vision pour 2050 axée sur la vie en harmonie avec la nature, ainsi qu'une Mission 2030 qui soit source d'inspiration et facile à communiquer, afin de faire cesser et d'inverser l'érosion de la biodiversité dans l'objectif d'atteindre un monde positif pour la nature d'ici 2030 ;
d. contienne des objectifs et des étapes spécifiques, mesurables, réalisables, réalistes et assortis de délais pour 2030, afin de faire cesser et d'inverser l'érosion sans précédent de biodiversité, et de prendre des mesures urgentes et transformatrices pour restaurer et conserver la biodiversité pour la survie et dans l’intérêt de la nature, de l’humanité et de la planète ;
e. aborde clairement les facteurs directs et indirects de l’érosion de la biodiversité identifiés dans le Rapport d’évaluation mondiale de l’IPBES, comprenne des cibles sectorielles ambitieuses pour garantir un engagement et une action sectoriels suffisants, notamment en soutenant l’adoption de plans d’action sectoriels nationaux, régionaux et mondiaux (pour l’alimentation, l’agriculture, la pêche, la foresterie, l’infrastructure et tout autre secteur pertinent) ainsi que des plateformes multipartites et multisectorielles nationales et régionales ;
f. comprenne les éléments essentiels suivants dans les Étapes 2030 :
i. augmentation de la zone, de la connectivité et de l'intégrité des écosystèmes et pas d'extinction d'espèces induite par l'homme, et reconstitution de populations abondantes d'espèces et préservation de la diversité génétique des espèces sauvages et domestiquées ;
ii. réduction de moitié de l'empreinte de la production et de la consommation, et garantie que toutes les décisions pertinentes publiques et privées soutiennent la réalisation d'un monde positif pour la nature et équitable, et préservent les droits humains ;
iii. l'accès juste et le partage équitable des avantages provenant de l'utilisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées sont sécurisés pour garantir la conservation de la biodiversité et veiller à ce que chaque utilisation soit durable ; et
iv. des ressources financières et autres adéquates pour mettre en œuvre le cadre sont disponibles et déployées, afin de combler progressivement le déficit financier et d'autres lacunes, y compris en augmentant significativement le financement de toutes les sources pour la mise en œuvre du cadre et en minimisant les flux financiers publics et privés qui portent préjudice à la biodiversité d'ici 2030 ;
g. puisse être traduit en cibles, engagements et actions ambitieux aux niveaux local, national, régional, multilatéral et sectoriel ;
h. prenne en compte la biodiversité dans tous les secteurs pour avoir des impacts positifs sur la biodiversité, y compris en intégrant la valeur de la nature dans la prise de décision dans tous les secteurs, ou en prenant des engagements à impact positif, notamment en :
i. transformant les systèmes alimentaires et agricoles, notamment en appliquant des approches écosystémiques, en garantissant une réduction significative des pertes et déchets alimentaires, et en passant à des régimes alimentaires durables et sains, et en retrouvant et préservant les technologies autochtones pour la résilience des systèmes alimentaires afin que la santé de la planète et humaine soient en phase ;
ii. garantissant que le développement des infrastructures minimise les impacts négatifs sur la biodiversité, et compense tout impact résiduel en restaurant les écosystèmes prioritaires pour atteindre des résultats positifs sur la biodiversité ; et
iii. conservant et utilisant durablement la biodiversité dans les écosystèmes productifs, extractifs et urbains ;
i. soit axé sur l’intégrité, et le fonctionnement, des écosystèmes naturels, le maintien et la restauration d’éléments de biodiversité essentiels dans des régions d’importance nationale et mondiale pour la biodiversité, en particulier les Zones clés pour la biodiversité (ZCB) et les Zones d'importance écologique et biologique (ZIEB), lorsque reconnues, et la restauration écologique de sites dégradés, et restaurent également la relation des humains avec la nature ;
j. préserve les droits humains ;
k. forme un cadre d'orientation qui intègre et réalise les objectifs de la CDB, des Conventions de Rio et des autres conventions et processus relatifs à la biodiversité, et du Programme de développement durable à l’horizon 2030 ;
l. établisse un mécanisme d’application solide, encourageant la responsabilité et la transparence, comprenant la planification nationale, la soumission de rapports, l'évaluation périodique, et lorsque cohérent avec la législation nationale, un processus graduel et de mise en conformité, ainsi qu'un bilan mondial pour évaluer les progrès collectifs vers la réalisation des objectifs, des étapes et des cibles du cadre ;
m. reconnaisse l’importance intrinsèque et existentielle de la biodiversité qui mérite d’être protégée pour elle-même ;
n. appelle toutes les composantes de l'UICN à soutenir la participation totale et efficace des peuples autochtones, et de travailler vers la mise en œuvre de toutes les activités de protection, de conservation et de restauration, en se basant sur le consentement libre, préalable et en connaissance de cause des peuples autochtones, et la reconnaissance appropriée des droits des peuples autochtones à leurs terres, territoires et ressources, tel qu'établi dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA), et le respect total de la diversité de leurs systèmes de connaissances ;
o. comprenne des objectifs mondiaux visant à ce que, sans préjudice de la Résolution 6.050, Accroître l’étendue des aires marines protégées pour assurer l’efficacité de la conservation de la biodiversité (Hawai‘i, 2016) :
i. au moins 30% de toutes les zones terrestres et eaux intérieures (Note : « eaux intérieures » tel que défini par la Convention sur la diversité biologique et la Convention de Ramsar), et des zones côtières et marines, respectivement, soient efficacement et équitablement gouvernées, protégées et conservées, en se focalisant sur les sites d’importance particulière pour la biodiversité, dans des systèmes bien connectés d’aires protégées et autres mesures de conservation efficaces par zone (AMCEZ) d'ici 2030, avec le consentement libre, préalable et en connaissance de cause des peuples autochtones, et avec la reconnaissance appropriée des droits des peuples autochtones sur leurs terres, territoires et ressources, tel qu’établi dans la DNUDPA, et un soutien envers la participation totale et efficace des communautés locales dans les activités de protection et de conservation, en reconnaissant les pratiques coutumières et de gouvernance locale tel qu’approprié, ainsi que la diversité de leurs systèmes de connaissances ;
ii. toutes les zones gérées, y compris pour l’agriculture, la pêche, l’aquaculture et la foresterie, sont gérées d'une façon durable et incluant la biodiversité, en particulier par la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité, y compris les écosystèmes naturels, semi-naturels, gérés, extractifs et urbains ; et
iii. toutes les terres et toutes les eaux gouvernées et conservées traditionnellement par des PACL sont dûment reconnues et sécurisées collectivement ;
p. veille à ce que les évaluations sociales et économiques soient réalisées conformément aux normes environnementales, sociales et de gouvernance universellement acceptées, ou les législations nationales et procédures établies, afin de permettre des protections sociales complètes à ceux affectés, en particulier les détenteurs de droits et groupes désavantagés pour atteindre les objectifs spécifiés dans le paragraphe o ;
q. inclue des moyens de mise en œuvre adéquats – y compris par une stratégie exhaustive de mobilisation des ressources, une augmentation significative des ressources de toutes les sources, et la mise en place de flux de financement afin de permettre à tous les pays d'atteindre les objectifs, et également la redéfinition de toutes les mesures d'incitation préjudiciables à la biodiversité, et l'alignement des flux financiers – vers une voie qui arrête et inverse la perte de biodiversité ;
r. garantisse la participation totale et efficace et la reconnaissance du rôle de tous les acteurs et détenteurs de droits concernés, y compris la société civile et les PACL, comme condition préalable essentielle pour faciliter une application réussie du cadre ; et
s. soit complété par un cadre de suivi solide et complet, qui garantisse que les aspects essentiels de la biodiversité, y compris les tendances des populations d'espèces au niveau mondial, et les principaux engagements et actions nécessaires pour inverser la perte de biodiversité, sont correctement surveillés.
3. EXHORTE tous les gouvernements à :
a. donner la priorité, au plus haut niveau politique, à la lutte urgente contre la dégradation de la nature et l’érosion de la biodiversité, y compris dans le cadre des réunions des Nations Unies de haut niveau à venir ;
b. dans le cadre d’une approche à l’échelle du gouvernement, intégrer entièrement la nature dans toutes les décisions politiques, économiques, culturelles et sociales clés et à travers tous les secteurs pertinents, en coopération avec les acteurs et détenteurs de droits concernés, y compris la société civile et le secteur privé, à tous les niveaux et étapes de prise de décision ;
c. obtenir, dès que possible, un instrument ambitieux, juridiquement contraignant, portant sur la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ;
d. prendre les mesures nécessaires pour éliminer, rediriger, redéfinir ou réformer les subventions et autres incitations identifiées comme potentiellement néfastes pour l'environnement d'ici 2030, ainsi que celles liées aux violations des droits humains, et surtout à la biodiversité et au climat ;
e. garantir le succès de la CdP15 de la CDB, et son segment de haut niveau à Kunming, et vers l'adoption d'un cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020 transformateur, en utilisant efficacement le temps qu'il reste entre aujourd'hui et les réunions de janvier prévues pour rapprocher le processus d'un consensus et des niveaux d'ambition désirés, en particulier sur la structure du cadre, la stratégie de mobilisation des ressources, le mécanisme de mise en œuvre, et l'énonciation spécifique des principaux objectifs, étapes, cibles et concepts comme les solutions fondées sur la nature (SfN) ; et
f. continuer les efforts pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C pour la biodiversité et les humains, notamment, entre autres, en accélérant de manière significative l’application de solutions fondées sur la nature qui maintiennent et soutiennent la biodiversité tout en contribuant à l’atténuation du changement climatique et à l’adaptation à ce changement.