À la fin de l’année dernière, nous avons achevé un projet pilote dans le cadre d’un projet de subvention mondiale du Programme de petites subventions (SGP) du Fonds pour l’environnement mondial (FEM) pour l’adaptation communautaire aux changements climatiques. Le financement provenait du gouvernement australien, et était mis à disposition des Petits États insulaires en développement (PEID), entre autres.
Un nombre important de digues rocheuses ont été construites sur Rarotonga au cours des 30 dernières années. L’objectif était de protéger le nombre toujours croissant de logements de vacances construits le long de la côte pour répondre aux demandes du secteur touristique, en pleine expansion. Ces digues nécessitent que de gros rochers soient extraits de l’intérieur de Rarotonga, transportés vers la côte et placés le long du front de mer. L’exploitation des carrières est dommageable pour l’environnement à l’intérieur des terres et les digues achevées peuvent également provoquer une érosion accrue en raison des « effets d’extrémités » de part et d’autre du mur. Une érosion se produit également lorsque les vagues frappent les murs et rebondissent, vidant les plages leur sable. Un certain nombre de plages situées devant les stations balnéaires ont aujourd’hui complètement disparu, même à marée moyenne.
Ce projet visait à identifier une alternative à ces parois rocheuses. Il a été mis en œuvre sur Rarotonga, dans le port d’Avana. Il s’agissait de placer des sacs de sable géotextiles, pesant chacun plus d’une tonne, sur environ 1m le long de la côte afin d’aider à la protéger contre l’érosion causée par les impacts des changements climatiques. Ces sacs sont placés sur un tapis géotextile, les empêchant ainsi d’être enfouis par l’action des vagues. Cette structure particulière commence avec une hauteur de quatre sacs à l’extrémité nord et diminue progressivement à un seul sac à mesure qu’elle s’approche du ruisseau Avana. Elle présente l’avantage supplémentaire de fournir une plateforme beaucoup plus stable aux pêcheurs pour accéder à leurs petits bateaux de pêche amarrés dans la zone.
Cette intervention constitue ce que l’on pourrait appeler une « solution fondée sur la nature » hybride aux changements climatiques. Il s’agit de la combinaison d’un mur formé par des sacs géotextiles artificiels, remplis de sable naturel dragué sur le site même. Comme nouveauté dans ce projet pilote, nous avons rempli l’un des sacs de verre dépoli provenant de la décharge de Rarotonga, afin de démontrer une utilisation possible des déchets de verre et de réduire les impacts liés à l’extraction de sable. Cette structure artificielle a été renforcée par la plantation de lianes de plage, de vétiver et d’arbres autochtones derrière les géo-sacs, dans le but de fournir un 2e niveau de défense naturelle. Lorsque le mur finit par tomber, comme tous les murs le feront en cas de cyclone violent, les sacs endommagés peuvent être facilement retirés. Il ne nous restera que du sable sur la plage, plutôt qu’un mélange chaotiques de rochers épars, comme cela s’est déjà produit sur certains sites autour de Rarotonga.
Te Ipukarea Society promeut depuis plusieurs années l’utilisation de ces géo-sacs comme alternative aux parois rocheuses couramment utilisées à Rarotonga. Cependant, jusqu’à présent, personne ne semblait disposé à les essayer. Nous avons été extrêmement chanceux de pouvoir trouver ce financement, qui nous a permis de faire cet essai sans frais pour le gouvernement et de générer des revenus externes pour aider à renforcer l’économie des Îles Cook pendant la COVID-19.
Ce travail impliquait beaucoup d’attention aux détails, car il s’agissait d’un projet de démonstration, et nous devions le mettre en œuvre correctement. Un grand bravo à Koko et à l’équipe des entrepreneurs de S&T, qui ont fait un travail très professionnel. Ils ont très vite appris à utiliser cette nouvelle technologie. Le projet constituait un processus d’apprentissage par la pratique et impliquait beaucoup d’heures de travail supplémentaires. La supervision technique a été aimablement assurée par Paul Maoate, Matt Blacka et Ata Herman.
Lors d’un récent voyage aux îles Cook du Nord sur notre pirogue de voyage traditionnelle, Marumaru Atua, nous avons partagé notre expérience avec ces sacs de sable géotextiles avec les communautés insulaires. Celles-ci connaissant également des problèmes d’érosion à conséquence des impacts des changements climatiques, elles ont manifesté un grand intérêt. Pas plus tard que la semaine dernière, les maires et cadres exécutifs des gouvernements insulaires se trouvaient à Rarotonga pour un forum annuel et ont à nouveau manifesté un grand intérêt pour cette technologie, demandant même au gouvernement de les aider à y accéder. Nous espérons que ceci sera le début de quelque chose de nouveau en matière de protection côtière pour nos îles, avec une empreinte environnementale réduite et une meilleure conservation de nos plages.
A propos de l'auteur
Kelvin Passfield est directeur technique de Te Ipukarea Society, le seul Membre de l’UICN aux Îles Cook. Avec plus de 30 ans d’expérience dans toute la région Asie-Pacifique, il a travaillé dans les îles Cook, Tuvalu, Samoa, Fidji, Salomon, Tokelau et Tonga, ainsi que dans un certain nombre de pays d’Asie. Il est titulaire d’un diplôme en technologie des pêches de l’Australian Maritime College en Australie, ainsi que d’une maîtrise en gestion des ressources océaniques de l’Université du Pacifique Sud à Fidji. Il représente actuellement l’Océanie au sein du Comité directeur de la Commission de gestion des écosystèmes (CGE) de l’UICN, en tant que président régional et agent de liaison pour les écosystèmes marins et côtiers, la pêche, les écosystèmes insulaires, l’exploitation minière et les écosystèmes des grands fonds marins et les espèces envahissantes. Il est marié, père de 4 filles et grand-père de 5 petits-enfants.